Artisanat : la Philomathique de Bordeaux veut écrire un nouveau chapitre « durable et vertueux » - Premium

L’histoire de la Philomathique, association de formation aux métiers de l’art et de l’artisanat, remonte à 1808, année de sa création. Puis, en 1859, elle fut reconnue d’utilité publique. Mais durant une soixantaine d’années, « la Philo a un peu vivoté », reconnaît son président actuel, Frédéric Cauchois. Jusqu’à compter moins de dix adhérents. Une réalité « terrible » pour l’association, auto-financée. « L’évolution de la Philo a suivi celle de la formation professionnelle en France dans les années 1970, analyse Frédéric Cauchois. À cette époque, bon nombre de personnes sont allées dans les CFA ; et je pense que les personnes qui avaient la charge de notre structure ont vécu ce choc, sans avoir, sûrement, les ressors nécessaires pour pallier cette défection. » En mai 2020, lorsque Frédéric Cauchois a accepté la présidence de la Philo faute d’autres volontaires, il pensait au départ que ce rôle ne nécessiterait « qu’une demi-journée par semaine ». Erreur. « C’était un chantier colossal, se remémore-t-il. Quand vous voulez remettre une belle endormie en scène, il faut aller au fond des choses, y compris toucher des sujets qui peuvent faire mal. J’avais des journées de 12 à 15 heures pour pouvoir démarrer ce projet, établir une nouvelle vision, un plan d’action… » En premier lieu, il a fallu dresser l’état des lieux de la structure. Ses forces, mais aussi ses faiblesses, et ses contraintes. « À un moment, la Philo bénéficiait d’un financement de la Ville de Bordeaux pour une formation en web, mais ça ne permettait même pas de payer le formateur… On était également un centre de formation en langues, mais on n’avait plus d’apprenants depuis trois ou quatre ans. Il y avait des incohérences, et il a fallu nous recentrer vers des métiers historiques et d’avenir. » Une remise à plat d’autant plus nécessaire, pour réunir les conditions financières et faire de la Philo une structure saine, pérenne, pouvant assumer un budget de 850.000 euros par an. Réduire les zones blanches en formation Sur le plan de la formation, la Philomathique veut désormais coller aux attentes sociétales et citoyennes : redonner du sens aux métiers qu’elle enseigne, et former des artisans « vertueux et durables ». « Il y a de tels savoir-faire, on ne peut pas laisser une image dégradée de ces métiers-là, comme on peut avoir aujourd’hui, appuie Frédéric Cauchois. 300.000 entreprises artisanales en France s’arrêteront dans les prochaines années, si elles ne trouvent pas de repreneurs. Et on perdra des pans entiers de notre économie. » Dans les faits, la Philo met l’accent sur la réduction, la réutilisation et le recyclage des matériaux, tout en s’adaptant « à l’évolution des besoins des entreprises ». Cette remise à plat des formations semble payer, car depuis trois ans, plus de 80 médailles de Meilleurs Apprentis de France ont été attribuées aux apprenants de la structure, dont 22 médaillés cette année. Mais la Philo veut désormais aller plus loin, et élargir son rayonnement en Nouvelle-Aquitaine. Avec un projet, baptisé Philomathos. Un centre de formation itinérant, destiné à réduire les zones blanches de formation. « Demain, telle communauté de commune ou telle entreprise pourra nous appeler, nous dire qu’elle a besoin de dix charpentiers. Nous pourrons mettre à disposition notre bâtiment éco-conçu, et y détacher des formateurs le temps nécessaire », résume le président de l’association. Cet outil, hybride, servira également de lieu de conférence, d’exposition ou de workshop, pour mettre en avant les savoir-faire transmis, et les faire connaître. Faire de la Philo un laboratoire d'expériences Mais parler d’artisanat vertueux sans s’occuper des matériaux serait « une hérésie ». Alors, un important volet sur la recherche est en cours de développement, et deux projets phares devraient voir le jour, la Matériauthèque et le Symposium mondial des métiers d’art et d’artisanat. Le premier, qui pourrait être inauguré dès la fin de l’année 2023, est un showroom permettant d’exposer les produits biosourcés régionaux, et mettre en relation fabricants, artisans et clients finaux. « L’idée, c’est que la Philo soit demain le centre de référence en la matière, affirme Frédéric Cauchois. Nous faisons appel au mécénat, car cette Matériauthèque nécessite 150.000 euros d’investissements. » Second projet, le Symposium, mettra a priori plus de temps à aboutir, car il prendra place dans le jardin d’hiver de la Philo, une verrière qui nécessite d’être remise en état. « L’idée serait de faire un symposium, tous les ans, pour lancer des sujets de recherche autour des métiers d’art et d’artisanat durables. Créer une dynamique, pour se servir à terme de la Philo comme laboratoire d’expériences », imagine son président. La question de la remise en état du jardin d’hiver soulève également celle, plus colossale, de la rénovation globale de la Philomathique. Un sujet devant lequel notre interlocuteur ne recule pas. « Comment faire des travaux dans 5.000 m², quand vous avez une association qui a un budget de 800.000 euros ? Comment enseigner quand vous avez la moitié des salles fermées et du plâtre qui vous tombe sur la figure ? Je pense que c’est un dossier qui n’a jamais été pris par l’ensemble des gouvernances qu’il y a eu ici, estime Frédéric Cauchois. Nous voudrions faire de ce bâtiment un lieu exemplaire sur le plan environnemental, et les premières personnes que nous avons rencontrées à la mairie de Bordeaux nous écoutent. Il faudra passer de l’écoute aux actes, mais le temps des travaux et de la décision est long. »

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