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Alain Rousset : « je veux créer une banque régionale d’investissement »

Écosystème
jeudi 17 juin 2021

Alain Rousset, le 7 juin à Bordeaux, lors de la présentation de son programme à la presse - photo AL

Alain Rousset, président sortant du conseil régional et candidat à la réélection sous les couleurs du PS, revient pour Placéco sur ses propositions en matière de développement économique et de gouvernance de la région, avec la volonté affichée de concrétiser l'idée d'une banque régionale d'investissement. Il en profite pour répondre à quelques-unes des critiques les plus fréquemment formulées par ses adversaires.

En matière de développement économique, comment caractériser la méthode Rousset, et comment la feriez-vous évoluer si vous êtes réélu à la présidence du conseil régional ?
Il faut toujours être un pont plus loin. L’innovation, c’est aussi une culture que l’on doit avoir au niveau des pouvoirs publics. En dehors des résultats de la politique économique, le fait d’avoir bâti une culture de compréhension du monde de l’entreprise, de compétence au niveau des services de la région ou de l’agence d’innovation, est quelque chose de très gratifiant pour moi. D’abord, parce que le fonds de cour de l’accompagnement de l’entreprise, la connaissance du tissu industriel est quelque chose d’essentiel pour moi. C’est l’adage de la tête bien faite… et bien pleine.

Accompagner les entreprises suppose aussi de les désisoler et donc de pouvoir les rapprocher, avec des centaines de cas particuliers. C’est le cas par exemple de Pétrusse, qui fait des foulards dans le langonnais, avec Lainamac, en Creuse, ou de l’entreprise de Brive qui fait des salles blanches avec l’entreprise du Haillan qui fait des tableaux d’opération, pour pouvoir répondre ensemble à des appels d’offre sur la modernisation des hôpitaux. Les plateformes technologiques que nous avons mises en place visent à la fois à transformer une idée en projet économique et ressourcer technologiquement les PME. Ça, c’est la base. Maintenant, comment aller plus loin ? On a l’usine du futur, les accélérateurs, le décloisonnement du monde de la recherche, le rôle de la formation sur l’attractivité du territoire. C’est l’Aérocampus à Latresne, c’est demain le campus ferroviaire de Saintes, le campus naval entre Rochefort et la Rochelle ou la future usine dédiée aux batteries. Ce type d’idée doit être déroulé. Les batailles du futur, ce sont les principes actifs des médicaments, l’électronique. Deux secteurs où l’on dépend à plus de 90% de la Chine.

Il y a donc une méthode de confiance et d’accompagnement, mais en même temps une méthode qui consiste à être à chaque fois un pont plus loin. Il faut assumer l’ambition de reconquête technologique d’une souveraineté, et s’interroger sur la mondialisation des chaînes de valeur ou d’approvisionnement, qui présentent un risque important pour nos entreprises et notre pays. Prenez l’exemple de cette entreprise paloise qui assemble des respirateurs. La chaîne de valeur est mondiale, et vous risquez des ruptures d’approvisionnement. Regardez le boom des vélos cargos. Les pièces de ces vélos peuvent être faites par les sous-traitants de l’aéronautique. C’est une niche, certes, mais c’est une opportunité, tout comme il y en a dans l’appareillage médical ou l’agroécologie, qui ne doit pas signer le retour de la pénibilité du travail dans les fermes. L’usine du futur nous a permis de constater que les gains de productivité et donc de compétitivité passaient par le bien être au travail. Il y a toute cette réflexion, qui tient aussi à une société inégalitaire, en colère. On a besoin des entreprises pour apaiser, et je pense que la proximité que représente une région peut aider à cette réflexion.

On entend parfois, sur le terrain comme chez certains de vos adversaires, que les procédures sont trop complexes ou qu’il est difficile d’accéder aux aides et aux services de la région, à plus forte raison quand on est loin de Bordeaux, que pourriez-vous faire pour améliorer la situation ?
Vous savez qu’on gère à la fois des fonds européens et des fonds régionaux, par l’intermédiaire d’une autorité d’état. Quand toutes les pièces ne sont pas rassemblées ou que la demande ne rentre pas dans les règlements, l’accompagnement des entreprises ne peut pas être versé. En même temps, la région accompagne 2.600 entreprises par an, TPE d’abord et PME. Et une région qui crée en 2019 36% de l’emploi net de France ne doit pas être aussi difficile à joindre qu’on le dit. Cela dit, je ne méconnais pas cette complexité, qui est liée à la centralisation de l’Etat. Michel Rocard, en 1966, expliquait cette idée que tout centralisme produit des normes. Et ces normes ne sont pas du fait de la région !

On vous reproche aussi un centralisme excessif à la tête de la région ?
Oui, mais il n’y aucune preuve. La plupart des TPE et PME sont en monde rural. Prenez Alsapan, dans le nord de la Creuse, qui a reçu 2,5 millions d’euros, ou les 20 millions d’euros qui ont permis, avec l’aide de l’Ademe, de sauver la papeterie de Condat, à l’est de la Dordogne… Tous les chargés de mission de la région sont mobiles. Ils sont sur le terrain. L’agence de l’innovation, ADI, est sur les territoires. Vous n’êtes pas dupe de cette pirouette de mes concurrents, qui sachant que je suis décentralisateur essaient de me renvoyer cette patate chaude. C’est faux et je le prouve. L’idée de faire un campus des métiers du ferroviaire à Saintes, est-ce que c’est de la centralisation ? Après, il est vrai qu’il y a une attractivité bordelaise, parce que c’est une ville importante, mais la région aide beaucoup plus les territoires qui peuvent être en difficulté que l’agglomération bordelaise. D’autant que nous avons maintenu les services de la région à Poitiers et à Limoges, où il y a même plus de collaborateurs qu’avant.

Comptez-vous faire évoluer la gouvernance de la région si vous êtes réélu ?
Les modifications se font au fil de l’eau, en concertation avec les territoires et avec les agents de la région eux-mêmes. Personne ne pose plus cette question, mais je rappelle que la création de la grande région n’a pas été simple, avec des problèmes budgétaires énormes à régler. On a développé des maisons départementales, notamment autour des compétences transport, emploi et formation. Je rigole un peu d’ailleurs quand dans le débat on me dit qu’il faut créer des maisons départementales. Elles existent. Je l’ai dit à madame à Darrieussecq ! C’est quand même inquiétant de voir que les propositions faites dans ce débat sont déjà des dispositifs existants, comme quand Nicolas Florian propose la création d’un fonds souverain régional. Oui, les fonds propres sont importants, je n’arrête pas de le dire. Le problème ici c’est la centralisation de l’épargne. Mon souci pour ce mandat, c’est comment je crée une banque régionale d’investissement, sur le modèle allemand.

C’est votre objectif ?
Oui. Comment Aquiti devient une banque régionale d’investissement.

Vous rappelez régulièrement votre intérêt pour les filières d’avenir, mais prônez dans le même temps une diversification de l’économie régionale, comment articuler ces deux ambitions ?
D’abord, il faut rester modeste, même si la Nouvelle-Aquitaine est la région qui consacre le plus de moyens au développement économique et à l’emploi, nous ne sommes pas un länder. C’est d’ailleurs une des explications de la difficulté à réindustrialiser notre pays. Les länder ont trois fois plus de moyens pour les entreprises et des banques régionales d’investissement, et heureusement que nous avons les fonds européens pour mener ces missions. Le constat, c’est que la Nouvelle-Aquitaine résiste mieux à la crise parce que nous sommes plus diversifiés que d’autres régions. Et cette diversification est un objectif important pour moi. Ensuite, chacune des politiques de filière fait l’objet d’une co-construction avec les filières elles-mêmes, y compris les politiques de formation. Ensuite, il est essentiel de travailler à la structuration de ces ETI ou PME à forte croissance, qu’il s’agisse d’aéronautique, d’agroalimentaire, du traitement des déchets ou de la médecine vétérinaire. Il n’y a que la région qui est aussi proche de ces entreprises. Il en va de même pour la santé, qui est une compétence régionale dans tous les pays démocratiques, sauf la France. Comment fait-on pour garder et industrialiser en France, et en Nouvelle-Aquitaine, les médicaments de demain ? On les invente, souvent, mais on les industrialise aux Etats-Unis. Ici, c’est Aelis Farma, qui garde ses brevets parce que la région s’est substituée à la BPI dans l’augmentation de capital, ou TreeFrog Therapeutics, qui est venue s’installer en Nouvelle-Aquitaine grâce à la politique d’innovation de la région.