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Agriculture urbaine (3/5) : Des potagers en des lieux inattendus

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jeudi 15 avril 2021

Artichauts, arbustes fruitiers, fleurs comestibles…ont pris racine sur les terrasses de l’entreprise Cdiscount, quais de Bacalan, à Bordeaux. (Photo: Akebia)

Sur les toits d’entreprises ou les terrasses de galeries commerciales, dans des coursives d’hôtels... Des potagers « urbains » poussent désormais en des lieux insolites. Ancrés sur un besoin de retour à la nature des citadins plus que sur une rentabilité des ventes de la production, ces nouveaux potagers n’en génèrent pas moins une économie de prestations de service. Rencontre avec la jeune société bordelaise Akebia, concepteur d’écosystèmes nourriciers en ville.

« Si à Bordeaux, le mouvement est venu plus tardivement que dans d’autres métropoles, il y a désormais un véritable essor. De par la nouvelle municipalité et les orientations de la Métropole, les appels à projet se multiplient. La pression est mise sur les promoteurs pour faire des projets plus verts. De même, depuis la crise sanitaire, on constate une forte demande chez les particuliers d’aménager leur propre potager… », analyse Guillaume Popineau, ingénieur paysagiste, qui a assisté alors qu’il travaillait en agence à l’émergence à Paris, depuis les années 2000, de projets en agriculture urbaine.

Fort de voyages instructifs dans des pays pionniers tels que le Canada, il identifie ainsi, il y a quelques années, tout le potentiel de proposer, au cœur des villes, une approche renouvelée du jardin potager. « L’idée est d’en finir avec les rangs alignés de patates et de tomates, de croiser le comestible et l’ornemental, jouer sur une grande diversité végétale et aromatique et le principe de la permaculture. Créer des espaces, impliquant une dimension participative, donnant de bons produits mais où il est aussi plaisant de se balader », détaille le fondateur de la société Akebia qui a jeté son dévolu sur Bordeaux en 2016. Testant le potentiel d’activités durant deux ans au sein de la coopérative Coop’ Alpha de Lormont, il rejoint Darwin en 2019 et finalise la création de sa société et de son concept.


Dans l’hôtel Eklo, situé près du jardin botanique à Bordeaux, on longue désormais, pour rejoindre sa chambre, une coursive de 70 m2 où prospèrent plantes grimpantes et légumes divers. Crédit : Akebia.

« Livrer un espace comestible ne suffit pas »

Rassemblant trois salariés, paysagistes et ingénieurs agronomes, cette société de prestation de services propose ainsi aux promoteurs, bailleurs sociaux, collectivités locales ou particuliers, la conception d’écosystèmes nourriciers, de la réalisation, à l’entretien et à la sensibilisation des habitants ou salariés. « Cette partie animation, qui passe par des ateliers ou rencontres pédagogiques, est assez cruciale. Livrer un espace comestible ne suffit pas s’il ne se passe rien, si les habitants ou les salariés d’une entreprise ne s’en emparent pas et que le jardin devient une friche. Nous accompagnons au moins pendant un an minimum pour que ce lien et cette appropriation se fassent », explique Guillaume Popineau.

Dès 2018, Cdiscount fait ainsi appel à leur savoir pour aménager un jardin potager sur la terrasse de son siège, quai de Bacalan. De même, à Bruges, le cuisinier traiteur Philippe Capdevielle,fait entourer les abords de son laboratoire de plantes aromatiques, fruits et fleurs comestibles…Avec un double intérêt : bénéficier, à portée de main, de produits nécessitant une hyper fraîcheur et offrir des paniers garnis à ses salariés. Autre clientèle séduite : les hôtels Eklo à Bastide-Neil ou le Novotel de Mérignac mais également les centres commerciaux en quête d’espaces d’animation plus originaux.


Financé par Ceetrus, la filière immobilière d’Auchan, un îlot potager a pris place en 2019 sur les toits de la galerie commerciale dans la zone de restauration L’Escale gourmande. Conçu et entretenu par Akebia, ce jardin-potager est ouvert au public et les productions maraichères sont pour l’instant redistribuées à une association de quartier. Crédit : Akebia.

Fermes urbaines : « Seuls les modèles hybrides multiservices fonctionnent »

Bien que retardé par la crise sanitaire, un projet est de même à l’œuvre pour la création d’une ferme urbaine avec l’IBoat, sur la dalle du Pertuis, qui serait ouverte au public et accueillerait des conférences, ateliers, un espace restauration... « La plupart des fermes urbaines, pour équilibrer un modèle économique, allie en effet vente de leur production et évènementiel. Dans l’agriculture urbaine, ce sont ces modèles hybrides multiservices qui arrivent aujourd’hui à fonctionner, à l’exception de fermes axées sur des produits avec une valorisation des prix intéressante tels que les champignons ou la truite fumée, issue de la culture en aquaponie comme pour la ferme de Pauline de Lormont. Ces projets sont d’autant plus intéressants qu’ils permettent, de par une culture hors sol, l’occupation d’espaces pollués ou délaissés », analyse Guillaume Popineau.

Membre par ailleurs de l'AFAUP, Association française d’agriculture urbaine professionnelle, il reste cependant mitigé sur d’autres types de projets émergents en agriculture urbaine. « On peut voir en effet certains, qui lèvent des fonds énormes, pour par exemple l’installation en terrasse de serres en hydroponie, qui pose des questions sur l‘alimentation en eau, le poids de ces installations sur le bâti, la dépendance électrique... Pourquoi dans ces cas-là aller chercher la complexité de cultiver en toiture, pourquoi dépenser autant alors que des maraîchers de Bruges sont en difficulté ? Dans ces cas-là, ce n’est pas forcément selon moi une bonne réponse à la résilience alimentaire ».

Lire les autres articles consacrés à notre dossier : "Comment l'agriculture investit la ville ? " et "La ferme du XXIe siècle bientôt à Mérignac".


En 2019, dans le quartier des Chartrons, Belin L’Immobilier a intégré à la conception d’une résidence de 21 appartements la création d’un jardin potager, pour les habitants, à la place d’un parking. Crédits : Arkebia.

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